Voici un truc que j'ai fait pour cette année, en classe. Cours de communication écrite et orale. On avait une liste de titre, une liste de personnages, de lieux et d'objets, on devait prendre un titre et 6 mots des listes et écrire une histoire en deux pages ordinateur. Voilà la première version du projet, celle que je vais certainement rendre. La deuxième je vous la mettrai peut-être quand je l'aurai finie, je vous laisserai la surprise des différences :)La mise en page sera la même que sous Word avec les mots obligatoires en gras.
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Le Miroir du Fantôme
Minuit. L’heure du crime, comme l’on dit. Assise sur le rebord du toit d’un F3 en banlieue, j’observe la nuit. C’est mon moment à moi. L’instant précis et spécial où le monde m’appartient. Je le domine, de mon perchoir, consciente de tout ce qui se passe tandis que personne n’est conscient que je suis là. Pas même le général à la retraite qui occupe les lieux, trop occupé à faire marcher son vieux phonographe d’avant 1940. Je pourrais sûrement m’introduire chez lui, il ne le me remarquerait pas. Il faut dire que je suis discrète. Et qu’il est sourd comme un pot. Son phonographe marche très bien, c’est juste son audition à lui qui est défectueuse … Aucun son ne parcourt les rues, les gens dorment. Enfin, la plupart … J’aperçois à deux pâtés de maisons de là un couple d’amoureux qui se promène, ou bien qui rentre d’une sortie dans un quelconque restaurant. Vu à quel point l’homme rigole fort, je pencherais pour le restaurant. Il doit être saoul. C’est ça, ou alors il lui manque une case.
Je suis sortie de mes rêveries par les sonneries imposantes des cloches de l’église. A ce signal que moi seule peut comprendre, mon visage se ferme, concentré. Souplement, je me redresse sur mes pieds, avant de me jeter dans le vide. Je ne suis pas suicidaire, non. Je sais exactement ce que je fais. Alors que ma vitesse augmente et que le sol se rapproche dangereusement, je crochète du bras droit la gouttière avant de pivoter, stoppant mon avancée en calant mes pieds sur les petits tuyaux qui dépassent. Peu de gens sauraient faire ça. Mais peu de gens se jettent d’immeubles à minuit sans intention de se tuer. Sourire aux lèvres, je me laisse glisser à terre où je tombe sans un bruit avant de filer telle une ombre noire.
Ma cible du jour, ou plutôt de la nuit, se trouve à quelques rues d’ici à peine. Et comme je suis douée, il n’y a aucune caméra sur mon chemin. La vidéosurveillance, le fléau de mon métier. Enfin, d’un de mes métiers. L’immeuble est ancien, légèrement délabré. Mais l’endroit où je me rends, lui, est loin de l’être. On se croirait dans un de ces films où l’on découvre un palais enterré sous des ruines. Ici, le palais n’est autre que le salon d’une vieille dame. Assez cosy, l’habitante ne doit pas manquer de ressources. A se demander pourquoi elle reste dans un immeuble aussi miteux. Peut-être est-elle avare … Sans doute, même. Cela expliquerait le soin apporté à ne pas se faire remarquer dans le voisinage, et à cacher toute chose précieuse chez elle. Malheureusement, ça n’aura pas suffi à dérober à ma vue ce que je suis venue chercher. J’ai mes sources. Les meilleures de la région. Il faut dire que je suis également la meilleure de la région dans mon domaine. Cause ou effet ? Je vous laisse seuls juges.
Repoussant doucement la porte après l’avoir crochetée, je commence mon travail d’inspection. L’intérieur est dans le désordre le plus total. Mamie n’est-elle pas maniaque, ou est-elle trop pingre pour faire appel à une dame de ménage ? Le choix est cornélien. En face de moi, à moitié recouverte par des rideaux tirés, une table basse qui semble avoir connu des jours meilleurs croule sous des papiers divers : un mouchoir troué, des cartes postales provenant des quatre coins du monde, des feuilles d’impôts répondant au nom de Miss Margareth McDonough, ce qui ressemble à des brouillons de pages de romans … Légèrement sur la droite, une commode. A côté d’une tâche de bougie, une machine à écrire prend la poussière. Ne seraient-ce les ronflements provenant de la chambre à deux pas d’ici, on pourrait croire l’appartement abandonné. C’est pourtant au milieu de ce capharnaüm digne des meilleures cavernes d’Ali Baba que je trouve mon Saint Graal.
Il est là, à la fois imposant et ridicule. Le mètre cinquante qu’il déploie parait ridiculement petit à côté de l’immense lampadaire déformé. Tordu, il l’est aussi, offrant à mes yeux des torsades et des volutes dérangeantes dans la pénombre. Sur la photographie que l’on m’a donnée, le cadre représentait des angelots entourés de draperie, comme c’était à la mode dans le classique rococo. Ici, avec les jeux de lumière des phares passant entre les lattes des volets, les visages poupins prennent des airs cruels, les mains potelées deviennent avides, et les chevelures d’anges aux mèches rebelles se parent de cornes diaboliques. Certains visages me semblent étrangement familiers, ce qui est fort dérangeant …
Heureusement pour moi, je ne suis ni croyante, ni superstitieuse. Vérifiant que mes gants sont correctement positionnés, il serait trop stupide de laisser des empreintes, je m’approche à pas feutrés de l’objet, enjambant un catalogue de la Redoute qui traîne par terre. Je dépose à l’endroit de mon forfait la seule trace qu’il ne restera jamais de mon passage : une rose blanche. Puis, sortant de mon sac une sorte de pochette de la taille du miroir, je la déplie et m’apprête à décrocher l’artefact pour le ranger dedans quand un rire retentit, m’arrêtant. Les sens en alerte, je ne bouge plus d’une oreille, essayant de déterminer d’où, et de qui, cela pouvait bien provenir. Mais après plusieurs longues minutes, il me faut bien me rendre à l’évidence …Je suis seule. A moins que …
Un mouvement attire mon attention et je tourne les yeux pour tomber sur … Le miroir. Il n’a pas bougé d’emplacement, non. Les objets ne bougent pas tous seuls. Mais quelque chose bouge. Et ce quelque chose, c’est … Moi.
Mon reflet, dans le miroir, sourit. Hors je suis presque certaine de ne pas sourire en ce moment. Et le fait qu’elle ait abaissé l’écharpe qui entoure son cou quand je sens encore l’étoffe sur ma peau laisse peu de place au doute sur le fait que ce reflet n’est pas une réplique exacte. Intriguée, je l’observe, frissonnant sous le regard malsain qui m’est renvoyé. Ça peut paraître inconcevable, mais ce n’est pas moi. Je le sais, intrinsèquement. L’image tourne légèrement la tête et son sourire s’agrandit alors qu’un autre éclat de rire envahit la pièce. D’un seul coup, j’ai peur. Et si cette mission, qui semblait si facile, était un piège ? On pouvait très bien avoir drogué mon café, ou autre chose … Mon cerveau travaille à plein régime, essayant de faire des liens rationnels avec ce qu’il m’arrive. Je ne veux pas disparaître mystérieusement du jour au lendemain comme c’est le cas de trop nombreux cambrioleurs ces derniers temps … Mon malaise s’accentue alors que mes yeux passent du reflet aux décorations qu’il me semblait reconnaître. Ce sont eux … Ce sont eux ! Je sais où j’ai vu ces visages : sur les dossiers de mon bureau. Ce sont toutes des personnes disparues … Toutes avec un casier. Leur fait le plus marquant étant un cambriolage …
Je me maudis de m’être faite avoir. J’avais bien supposé une sorte de vendetta contre les voleurs, mais … Je ne sais pas, j’ai sans doute été trop présomptueuse. Je me disais que personne ne découvrirait jamais qui j’étais. Que personne ne ferait le lien entre le Lieutenant de police que je suis le jour, et le rôle que j’incarne la nuit. Je me rends compte maintenant à quel point j’avais tort, aveuglée par ma confiance … Mais il est trop tard. Impossible de fuir. Je ne vois rien, il n’y a rien, mais mes pieds semblent collés au sol. Et alors même que je sais que c’est impossible, qu’il ne peut que s’agir de mon imaginaire qui joue des tours, mon reflet passe un bras, puis la tête en dehors du miroir, avant de sortir complètement et de me faire face … Je sais que ça ne peut pas être réel. Mais le pouvoir de l’esprit est une chose incroyable. Tout comme on parle de l’effet placebo pour guérir, l’inverse est aussi vrai. Vous pensez qu’on vous tue, vous pensez mourir, et vous êtes mort.
Même sans pouvoir me déplacer, je me mets en garde, mais mes membres sont lourds, à mesure que j’ai froid. Un froid glacial qui congèle jusqu’aux fenêtres qui se parent de cristaux glacés, dessinant des volutes des plus jolies sur les vitres. Mon double s’approche, tête légèrement sur le côté, sourire aux lèvres. Et alors qu’il pose sa main contre mon ventre, une douleur aigüe, atroce, me transperce de part en part. Ça brûle, j’ai l’impression qu’on m’éventre mais je ne saigne pas. Et je n’ai aucune coupure ni éraflure … Finalement, cela devient insupportable et je perds conscience.
Combien de temps s’est écoulé depuis mon attaque quand je me réveille ? Je ne saurais le dire. Mais immédiatement, quelque chose me frappe. Le monde est flou. Et il n’y qu’un seul côté … Je tente de bouger, de sortir, mais rien. Une paroi semi-transparente semble me couper du reste du monde. Et à voir l’angle de vue … Je crois qu’il va bien falloir finir par me rendre à l’évidence.
Je suis dans le miroir.